cepheide

poussieresdetoiles

Mercredi 28 juillet 2010 à 22:26

Les arbres et les maisons défilent à toute vitesse et c'est encore trop lent.
Deux enfants chahutent trois sièges plus loin et c'est encore trop calme.

Un sac nafnaf à mes pieds. Dedans, ma première robe d'enterrement. Ni rose insolente, ni noire déprime, juste grise...grise mais légère, classe et volante...Une idée lumineuse de mon binôme du Tour une heure avant de s'assurer que je montais bien dans le train.

13h37, jeudi 15 juillet, un feu d'artifice bien noir la veille, les yeux encore gonflés...Royan s'éloigne. Changement à  X puis direction Niort. Là changement pour Paris et mes larmes coulent toujours derrière mes grandes lunettes de polnareff. Montparnasse, un premier frisson comme pour une vérité qui prend tout son sens. Saint Lazare à 18h30 en direction de Rouen. Arrivée prévue à 20h et si je faisais demi-tour. Et si je m'arrangeais pour qu'il soit encore vivant dans ma vie à moi. Si je n'y vais pas, c'est comme s'il était encore là-bas, quelque part à m'attendre pour une partie de tarôt. C'est décidé, je descend pour faire demi-tour.

Le contrôleur m'interroge. J'explique que je ne veux pas y aller. Il me dit que je vais le regretter toute ma vie car on ne ressort pas un cercueil de la terre. En tout  cas pas à sa connaissance. Sourire timide à cette idée. Remarquez, je vais pas faire grand chose dans ce village. Alors je me rassoie. Après tout je m'en fou. Mes ongles rongés, les traces de mascara sur mes joues, mon sac trop lourd, je m'en fou j'y vais quand même, on verra bien.

Il parait que tu es mort en lui tenant la main et même dans un hôpital, même sous morphine, je trouve ce symbole très beau et très doux. Toi qui n'a jamais lâché personne en détresse, toi qui avait à coeur d'aider, d'être toujours là. Elle était là pour toi. Et savoir que tu étais accompagné pour ce passage me fait du bien. Signe que la vie continue, que les enfants sont là pour leurs parents.

Je crois que mamie t'en veux un peu quand même. Plus de 50 ans sans te séparer d'elle plus d'une heure et voilà que tu pars sans elle...c'est quoi la solitude de l'autre au bout de 50 ans de vie commune? Je ne sais pas mais je vois ce que cela fait....et je ne voudrais vivre ça pour rien au monde.

Dans l'église, des couleurs, des chuchotements, des bruits de pas. Tu es là, au centre, dans ta boite en bois. Je me surprends à la trouver belle, à t'imaginer sans tes chaussures à l'intérieur. J'espère qu'il ont pris le temps de te coiffer que tu sois beau pour ton rendez-vous avec l'éternité...surtout avec une fille qui te met en retard volontairement d'une minute 10 ;-)

Des chants, nos témoignages et pour une fois que je mets les pieds dans un église en 10 ans, je me surprends à espérer que ce moment dure plus longtemps. C'est vrai, pourquoi on fait pas un grand feu de joie? On construirait des cabanes avec les livres de prière, on chanterait sur un air de guitare et tu passerais cette dernière soirée avec nous. Mais avec une simple bougie et sans livre de prière, vient le moment du premier adieu...comme ça, si on se loupe, on a une deuxième chance avant la mise en terre...ça tombe bien car je ne me sens pas vraiment prête à faire ça. Alors on y va tous ensembles, tous les 5, mamie, maman, baba, titou et moi.

Voilà, on est devant toi si tant est qu'il t'aient mis dans le bon sens. Il faut te balancer un peu d'eau bénite sur la figure mais tu n'aimais pas trop qu'on t'éclabousse alors je ne le fais pas. Ils auraient du laisser un trou dans la boite pour que l'on puisse te tenir la main. Mais ça aurait sans doute effrayé les enfants. Et puis qu'elle drôle d'idée que je peux avoir ici au milieu de l'hôtel à regarder un cercueil. Et tous ces gens qui ont défilé pour faire de même avant nous. Qui viennent nous soutenir et qui sont plus éffondrés que nous en apparence. En fait c'est beau de pleurer tous ensembles, de s'autoriser ça hommes comme femmes, enfants comme adultes. Et ce film où l'on te voit dans tes plus beaux instants mais aussi dans tes derniers...en train de regarder le DVD de mes 25 ans alors que je n'étais pas là pour quelques bateaux en tournée...Pardon.

Maman dans son transat sortant tout juste de l'hôpital. Je savais que notre famille n'était pas banale mais je ne pensais pas que l'on te ferait cet honneur dans ton église préférée :-)

Dehors il pleut normal...Quand tu commande un cercueil, tu commandes forcement la pluie, c'est comme ça. Même un 16 juillet 2010. Alors nous voilà avec nos bougies qui s'éteignent au bord de ta nouvelle maison. Au numéro 32, comme chez toi. Je trouve le trou un peu profond tout de même. Ce sera pour mettre mamie au-dessus. C'est jolie comme symbolique, un peu sexuel aussi. M'enfin même si elle parait toute petite sous son petit parapluie coloré, elle a encore de belles années devant elle je crois. Derrière le corbillard, je la sentais fébrile mais décidée. Elle ira jusqu'au bout avec le sourire et quelques rechutes de larmes.


Nous avions nos reflets dans la vitre. Nous étions tous beaux à raconter des blagues, à se rassurer, à réaliser que l'homme à la barbe grise argentée des vacances de février, des vacances d'été, des parties de tarôt, des parties de foot, des noël enneigés et des emménagements était là, sous nos yeux, allongé paisiblement.

Vient le moment de refermer le trou. Je ne dois pas laisser passer ma dernière chance de te dire adieu. Ma petite soeur devant moi, je le regarde reposer les dalles de marbre une à une. Les gens repartent et nous restons là, à le regarder faire. J'ai envie de crier qu'il faut ressortir le cercueil, le rouvrir que je puisse lui faire un dernier calin mais je sais que ce n'est pas possible. 

Je sais aussi qu'il me reste en revanche ce ballon à laisser s'envoler quand je serais prête. Un film m'avait beaucoup touché à propos de ballon. Un homme était mort d'un cancer après avoir gonflé des ballons pour l'anniversaire de son fils. En rentrant du cimetière, sa femme avait respiré  l'air du ballon se dégonflant. Mais bon là le ballon c'est à moi de le gonfler et j'aurai préféré jetter plein de trucs sur ton cercueil. Plus marrant. Bref, je ne sais pas quand j'aurai le courage de gonfler ce ballon, quand j'aurai trouvé quoi t'écrire sur ce dernier mais je sais que ce sera au bord de l'eau étant donné que c'est ainsi que j'ai su que je ne t'emmènerais plus nulle part.

Le lendemain, mes yeux sont tous petits mais mon coeur est plus léger. C'est curieux, je me sens un peu libérée d'avoir vécu ça avec les autres. C'est important une famille, c'est important de savoir accepter que la vie ait une fin même quand on espère toujours un peu de rab. C'est repartis pour 10h de train jusqu'à Royan puis 10h de routes jusqu'à Port Camargue.

La vie continue et même sans toi, je ferais tout pour qu'elle soit belle.

A bientôt en ballon...

Bise

Matmat

 

Par Calice le Jeudi 29 juillet 2010 à 9:15
Tout plein de bisous la matmat, je pleurerais bien avec toi dans mes bras !
Par Code Promotionnel Uber le Samedi 5 septembre 2015 à 17:44
Avez vous un lien pour que je puisse télécharger l'article en PDF ?
Par serrurier 15eme le Lundi 7 septembre 2015 à 7:09
Excellent article je vous soutient .
 

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